On les dit éloignés dans leurs attentes, leurs habitudes de travail ou leur rapport à l’entreprise. Pourtant, sur le terrain, les jeunes recrues, les collaborateurs de mi-carrière et les seniors cohabitent bien souvent sans frictions. Pour les organisations, cette pluralité est avant tout source de diversité. Un formidable atout pour la rétention des collaborateurs qui peuvent se projeter sur le long terme grâce aux rôles modèles qui évoluent chaque jour sous leurs yeux.
Une diversité d’âges et d’histoires
Chez AVEM, filiale du Crédit Agricole spécialisée dans les paiements, Léna Basile, HRBP en duo avec Magali Bernard, observe une réalité assez courante dans le secteur : « Nous enregistrons effectivement une forte ancienneté liée à notre histoire ».
Au sein de la Banque Savoie, la pyramide des âges est plutôt équilibrée, bien que polarisée : « Les jeunes partent vite, mais quand ils restent, c’est le plus souvent pour une longue aventure commune. Nous avons des collaborateurs qui sont là depuis plus de 30 ans », explique Alexandra Marret, sa DRH.
Chez BPCE Assurances, Richard Sorge, DRH, parle d’une « pyramide en toupie » avec une base étroite, un sommet encore limité, mais un « corps » très dense autour des 40-45 ans. Résultat : « Malgré notre faible taux de turnover (4 %) et une moyenne d’ancienneté de 10 ans, nous recrutons beaucoup, notamment sur les métiers de l’IARD. En parallèle, nous anticipons des vagues de départ à la retraite dans les prochaines années ».
Du côté de Nickel, entreprise devenue filiale de BNP Paribas en 2017 mais encore très marquée par sa culture fintech, c’est une autre réalité : « Notre moyenne d’âge est aujourd’hui de 34 ans. Il y a quatre ans, elle était de 30. Forcément, cela influence nos arbitrages RH, sans que ce soit figé », précise Marie Thieffry, DRH.
L’âge ? Un prisme trop étroit
Première conviction partagée par tous les interlocuteurs : aborder les collaborateurs uniquement sous l’angle de leur âge est une impasse. « On évite absolument de catégoriser de cette façon nos collaborateurs, ce serait très réducteur », souligne Salwa Benzerga, Directrice Talent Management Diversité et Inclusion chez BPCE Assurances. « Ce que l’on désire, c’est créer une culture d’inclusion, dans laquelle chacun se retrouve ».
Même posture chez AVEM : « Ce n’est pas un sujet bloquant pour nous. On ne différencie pas les outils de communication en fonction des âges. » Et du côté de la Banque de Savoie, le parti pris est clair : « On forme les managers à différents profils de personnalités. Ce n’est pas l’âge qui compte, mais le mode de fonctionnement, la capacité à dialoguer ».
Chez Nickel, cette attention à l’inclusion s’est traduite très concrètement dans les choix de communication : « Il y a quelques années, la mode était de tutoyer dans les offres d’emploi. On a ouvert le débat avec l’équipe communication et RH mais certains étaient mitigés. On a fait le choix du vouvoiement : il y a une familiarité que suppose le tutoiement, un côté “start-up babyfoot” qui peut exclure. On voulait éviter que des profils plus seniors se sentent discriminés », raconte Marie Thieffry.
Pas de segmentations, mais une pluralité d’outils
Pas de communication “spéciale jeunes” ou “spéciale seniors”, donc. Mais une attention forte portée à la diversité des canaux. Chez BPCE Assurances, Salwa Benzerga nous explique : « On utilise tous les supports à notre disposition. Mail, intranet, webinaires, vidéos… Et ce n’est pas parce que l’on fait une vidéo dynamique qu’elle est réservée aux 25-30 ans ! Nos cinquantenaires y sont sensibles aussi ». Même logique chez Caroline Tordjman, responsable des relations presse et des réseaux sociaux chez BPCE Assurances: « Ce n’est pas l’âge qui dicte le canal, mais le message. Nous choisissons le bon format pour le porter efficacement ».
Chez Nickel, Hélène Lonchampt, Corporate Communication Manager, confirme : « On ne fait pas de distinction dans les termes ou le langage selon l’âge. Que ce soit les e-mails, l’intranet ou le journal interne, ce sont des formats appréciés de tous ». Le seul vrai filtre, là encore, se joue dans la représentation : « Dans nos vidéos internes, ce ne sont pas que des jeunes qui témoignent. On essaie de diversifier les profils pour que tout le monde se sente représenté ».
Travailler sur les moments de vie
Plutôt que de cibler les générations, les entreprises interrogées préfèrent raisonner par “moments de vie” – professionnels ou personnels – qui structurent les trajectoires. « L’entrée dans l’entreprise, le premier enfant, la prise de poste managérial, l’entrée dans l’aidance, la préparation à la retraite… Voilà des moments qui parlent à tous, chacun à son rythme », résume Richard Sorge.
Chez Nickel, Marie Thieffry applique cette logique aux dispositifs RH : « Comme notre population est majoritairement entre 30 et 40 ans, on réfléchit évidemment à des avantages liés à la parentalité. Mais cela n’empêche pas de travailler aussi sur la fin de carrière. Rien d’acté pour le moment, mais on réfléchit à mettre en place un dispositif qui permettra de passer à 80 % du temps de travail tout en cotisant à 100 %, en échange d’une date de sortie. Je réfléchis à proposer aussi des entretiens médicaux sur le temps de travail à partir de 45 ans. Même si ça ne concerne pas tout de suite tout le monde, ce sont des sujets qui finissent par toucher chacun ».
Une transmission active et incarnée
Dans un secteur où les métiers s’hybrident, où la mémoire technique reste précieuse, la transmission est un fil rouge. Mentorat, tutorat, binômes intergénérationnels… autant d’outils pour favoriser l’échange entre expériences et nouvelles pratiques.
À la Banque de Savoie, Alexandra Marret constate : « Le tutorat est bénéfique pour les deux parties. Les jeunes apportent un regard neuf, les seniors partagent leur expertise. Ça se fait naturellement. Trop formaliser ces dispositifs pourrait être contre-productif ».
Même philosophie chez AVEM, où la valorisation des collaborateurs expérimentés passe aussi par des témoignages et partages d’expérience sous format vidéo ou récits écrits. « Nous voulions mettre en lumière ceux qui incarnent l’histoire, l’ADN de l’entreprise ».
Et chez Nickel ? « J’ai travaillé chez BNP Paribas dans des équipes très intergénérationnelles. J’ai trouvé que c’était très enrichissant : il y avait plus de solidarité, moins de compétition, plus de sagesse… Chez Nickel, dès que des profils plus seniors arrivent, on veille à ce qu’ils ne se sentent pas exclus. La séniorité est bénéfique, même dans une structure jeune », souligne Marie Thieffry.
Managers, proximité et culture commune
Le vrai levier intergénérationnel n’est pas technologique. Il est humain. Tous s’accordent sur le rôle central du manager de proximité. « Ce n’est pas à Paris que ça se joue. C’est sur le terrain, dans les équipes. C’est là que l’on peut prendre en compte les besoins d’un collaborateur sur ses moments de vie structurants (par exemple : aidance ou contraintes d’un parent… etc », rappelle Richard Sorge.
À la Banque de Savoie, on mise aussi sur la personnalisation : « Nos relais sont les managers. Ce sont eux qui perçoivent finement les besoins ». Et partout, on forme ces managers à accueillir la diversité… sans l’enfermer dans des catégories. « Tous ont été formés au leadership inclusif », indique Salwa Benzerga.
Ce que dit vraiment la communication intergénérationnelle
Au fond, le sujet n’est pas tant “comment parler aux jeunes et aux moins jeunes”, mais comment faire exister une parole cohérente, qui inclut, valorise et fédère. Une communication qui s’adapte aux moments, aux contextes, aux besoins spécifiques… sans tomber dans l’étiquetage. Pas de grand plan “intergénérationnel”, donc. Mais une culture du dialogue, des formats variés, une attention aux rythmes de chacun… et la conviction que la diversité, bien accompagnée, est une richesse, pas un obstacle.