Quelles sont selon vous les grandes évolutions de la communication interne ?
La communication interne est de plus en plus centrée sur les collaborateurs pour faire découvrir leurs métiers, leurs activités afin de développer de la proximité entre le lecteur et les collaborateurs et ainsi créer de l’engagement. Il existe ainsi un équilibre plus visible entre la voix des dirigeants et celle des salariés. Les supports ont clairement évolué vers les solutions digitales délaissant les magazines papiers et augmentant ainsi les possibilités d’interactivité pour donner la voix aux utilisateurs (likes, commentaires, partage de contenus). Le lecteur devient acteur du contenu.
Les plateformes intranet doivent proposer davantage de fonctionnalités de gamification pour favoriser l’engagement. La communication interne s’appuie de plus en plus sur des campagnes multi-canal mariant le portail intranet, les newsletters, les réseaux sociaux internes, mais aussi externes en support de l’Employee advocacy, les espaces collaboratifs, l’affichage dynamique, les apps mobiles…). Comme pour la communication externe, il y a aussi un
besoin croissant de donner la voix aux collaborateurs influenceurs et la possibilité de les «suivre». Les codes du gaming et des réseaux sociaux s’imposent désormais pour une communication interne efficace.
“Côté contribution, l’intelligence artificielle viendra aider à la production des contenus écrits (traduction, résumés) ou des visuels (photos, vidéos) pour plus d’efficacité et de créativité.”
Penelope RAULT
Directrice de Communication Interne Digitale,
SAFRAN
Quels défis identifiez-vous en matière de communication interne ?
Il y a deux grandes problématiques intimement liées au tout digital : la multiplicité des canaux digitaux avec leurs formats de contenu propres et l’inclusion des front liners qui n’ont pas tous une identité numérique ni d’appareil d’entreprise. La multiplicité des supports digitaux pose quatre problèmes : la multi-contribution, l’infobésité, la déshumanisation, le management et l’analyse de la data. J’entends par multi-contribution le fait de produire un même contenu ou message pour le publier sur différents supports. Une solution technique comme des plateformes dites ‘headless’ est pour nous intéressante à explorer. Il s’agit de produire un contenu une seule fois et ensuite de le pousser sur les différents canaux dans le format adéquat. Mais, on peut aussi parler de multi-contribution quand il s’agit de plusieurs contributeurs différents. Dans cette situation, la solution n’est pas de l’ordre technique mais organisationnelle. Il faut mettre en place des comités éditoriaux inter-métiers, ce que nous avons commencé à initier chez Safran au niveau du Groupe.
L’infobésité est en partie une conséquence de la multiplicité des supports mais, aussi de la communication à tout-va sans hiérarchisation ou priorisation. Là aussi une meilleure coordination entre tous les contributeurs s’impose, mais la technologie devrait permettre un meilleur ciblage. Nous attendons beaucoup d’un éditeur de solution intranet pour qu’il améliore le système d’abonnement à des thématiques, du push de contenu en fonction du profil de l’utilisateur, de ce qu’il consulte de préférence, de son comportement de consultation de l’intranet. Attention également à ne pas faire de la communication digitale l’unique manière de s’adresser aux salariés. Aux moments des temps forts ou de grands changements, il est important d’aller auprès des collaborateurs pour les sensibiliser, les rassurer et créer des vrais liens humains.
Enfin, vient le temps d’analyser l’impact de nos communications. Le grand défi est de pouvoir traquer notre audience, son comportement et son engagement par campagne ou thématique et ceci tout canal confondu. Si on se concentre sur l’intranet, nous comptons sur l’éditeur de mettre à notre disposition un maximum de données exportable vers des datalakes et des dashboards filtrables par des attributs des visiteurs et des contenus et
fonctionnalités. C’est essentiel pour adapter nos communications et aussi améliorer l’expérience utilisateur.
La manière la plus simple de traiter la deuxième grande problématique, qui est l’inclusion de tous les collaborateurs de l’entreprise, est de fournir une identité numérique, un minimum d’outils et un device à tous les salariés. C’est la stratégie à moyen terme, mais en attendant, nous sommes preneurs de toute proposition technologique venant de l’éditeur de l’intranet pour trouver une solution intermédiaire qui est RGPD compliant et acceptable
en termes de SSI.
Comment s’appuyer sur les plateformes sociales pour renforcer l’engagement des employés ?
La possibilité d’utiliser des plateformes sociales “dernier cri” participe déjà aux différents facteurs d’engagement car, les collaborateurs retrouvent en interne des usages auxquels ils sont habitués à titre personnel et qui ne nécessitent pas de formation. Néanmoins, la mise en place d’une plate-forme sociale dans l’entreprise nécessite un plan d’adoption qui cible d’une part des champions qui engageront à leur tour les autres utilisateurs et d’autre part, un système de feedback et d’indicateurs pour mesurer l’engagement régulièrement. Il existe en général de très nombreux outils en interne et il
peut être difficile de se repérer dans l’écosystème digital qu’on soit déjà dans l’entreprise ou que l’on soit nouvel arrivant.
L’idéal serait de pouvoir présenter aux nouveaux arrivants les différentes plate-formes à leur disposition en leur montrant qu’elles les connectent directement à la réalité de l’entreprise, aux contenus à leur disposition pour comprendre l’entreprise, et à leurs
collègues qui peuvent les orienter et accompagner.
De plus, les champions – animateurs des communautés ou des réseaux – doivent bien préparer les sujets, leur tonalité éditoriale et le rythme pour qu’ils soient attractifs et “engageants” (organisation de challenges, sujets RSE à traiter sur un mode interactif et ludique…).
Quel est l’impact de l’IA sur la communication interne ?
Nous sommes encore au début de différentes expérimentations pour produire des informations à partir de réunions enregistrées (compte-rendu, plan d’action), de plusieurs textes pour réaliser un article synthétique, pour réaliser des visuels ou des vidéos.
On peut difficilement faire des conclusions aujourd’hui même si l’on perçoit un potentiel d’utilisation très puissant dans le domaine éditorial.
À ce stade, tout comme l’IA peut accompagner les contributeurs d’un intranet par exemple pour préparer le contenu à publier, on pourrait imaginer mettre l’IA au service des collaborateurs pour se repérer dans le foisonnement des contenus à la fois les informations publiés, les documents de référence ou collaboratif.
Comment la communication interne peut-elle promouvoir les initiatives de diversité, équité, inclusion & durabilité ?
Les changements de culture et de point de vue s’élaborent dans le temps. Certaines crises peuvent permettre des prises de conscience à un instant, mais pour qu’un changement s’ancre dans les comportements et les valeurs il faut travailler avec le temps. La communication pour l’engagement sur les sujets de RSE doit être adaptée à la région ou aux pays où les actions sont menées. Le principe de courtes campagnes régulières pour célébrer les succès permet de communiquer sur les valeurs et des actions concrètes. Le changement global passe sans doute par la valorisation de résultats locaux.
Quels conseils pour aider les entreprises à optimiser l’impact de leur stratégie de communication interne ?
C’est une question d’équilibre entre le profilage et la personnalisation, entre la communication top-down et les partages en réseau, entre le corporate et l’information plus locale.
Il est important de connaitre les collaborateurs pour leur offrir des contenus liés à leur entité de rattachement, leur société, leur établissement, leur pays. Ils se reconnaissent dans les contenus qui leur sont proposés. Nous avons par exemple créé sur notre intranet une page destinée à présenter le Groupe, ses enjeux stratégiques, son organisation, mais les collaborateurs profitent aussi d’une page entièrement liée à la vie sur leur établissement. Les intranautes peuvent aussi s’abonner à des contenus et gérer leurs favoris. En termes de personnalisation on devrait aller le plus loin possible pour lui offrir l’expérience la plus pertinente.
Un dispositif est performant non pas uniquement parce qu’il utilise telle ou telle fonctionnalité mais parce qu’il est adapté aux collaborateurs auxquels on s’adresse et qu’il s’intègre bien dans leur espace de travail. L’idéal est de s’adresser à lui là où il est. Il faut donc penser à la fois multi-canal (intranet, mobile, réseau social interne, événementiel interne, écrans télé sur les sites, …) et variété dans les formats (articles, brèves, newsletter, post, micro news, portrait, interview vidéo…) pour toucher un maximum de collaborateurs.
Les usages évoluent constamment, les dispositifs de communication interne doivent donc s’adapter de manière agile aux nouveaux besoins des collaborateurs. On doit donc régulièrement prendre la température auprès d’eux par des grandes enquêtes ou des mini-sondages et leur donner la possibilité d’exprimer leur opinion à tout moment.