Un enjeu propre aux organisations multisites
Si le travail à distance a révolutionné l’industrie du service, dans certains secteurs comme les banques et assurances, la problématique du territoire demeure plus vibrante que jamais. Une organisation “multisites” qui impose de travailler en profondeur les dispositifs de communication en interne afin de permettre au siège de demeurer connecté aux réalités du terrain.
Léna Basile, HRBP, en jobsharing avec Magali Bernard (elles partagent leur poste à deux en co-responsabilité), pour AVEM, une filiale du Crédit Agricole spécialiste des paiements, l’explique : « Chez AVEM, nos 2000 collaborateurs sont dispersés sur différents sites techniques ou commerciaux. Nous avons notamment des équipes techniques qui interviennent chez nos clients commerçants ou sur les sites de nos clients bancaires, des commerciaux ou encore des équipes support. Par ailleurs, les équipes de Communication Corporate sont en partie centralisées. Il faut donc structurer la remontée d’information pour ne pas perdre le lien avec le terrain. »
Même constat chez Morgan Maillier, DRH de la Caisse d’Épargne de Bourgogne Franche-Comté : « Nous avons 1 550 collaborateurs répartis sur 170 sites, ce qui représente 10 % du territoire métropolitain. Certaines agences sont situées dans des zones rurales, isolées, avec parfois seulement deux ou trois collaborateurs. Dans ce contexte, la communication interne est un véritable défi. »
Miser sur le management de proximité
Dans ces organisations éclatées, les managers de proximité jouent un rôle pivot. « Ce sont eux, nos yeux et nos oreilles sur le terrain », affirme Léna Basile. Chez AVEM, chaque manager est en contact régulier avec son/sa RRH : « Des points mensuels physiques ou en visio sont réalisés avec les Responsables de services et les Directeurs et leur RRH. Des temps de partage avec les managers de proximité sont également organisés en format Focus RH. Cela permet aux managers de proximité de partager leurs problématiques communes et bonnes pratiques. On capitalise ainsi sur l’intelligence collective. Cela permet de remonter les éventuels signaux faibles, d’anticiper les tensions, de relayer des incompréhensions, et surtout d’anticiper les problématiques en amont. »
Le manager de proximité devient ainsi le témoin du climat social de l’entreprise, ce qui nécessite de nouer une relation de confiance avec ce dernier, mais aussi de s’assurer de sa bonne entente avec les équipes afin d’obtenir le juste niveau d’informations. « Pour entretenir ce lien précieux avec les managers de proximité, nous nous plaçons dans une posture d’accompagnement pour les aider à développer une bonne communication avec leurs équipes mais également à faire un pas de côté avec eux sur les sujets à enjeux », nous explique Léna Basile.
Structurer la remontée d’informations : outils et méthodes
Les échanges informels ne suffisent pas. Chez AVEM comme à la Caisse d’Epargne, pour capter les besoins, valoriser les retours du terrain et nourrir les contenus internes, certaines organisations mettent en place des dispositifs pilotés par les RH et la Communication Interne en lien avec les managers :
- Points réguliers avec le management : les communicants internes s’appuient sur des temps d’échanges hebdomadaires avec les managers pour identifier les signaux faibles, problématiques récurrentes et réussites à partager. « On discute des cas individuels, des tensions éventuelles, ou des problématiques plus globales, mais aussi des succès et des belles réussites. Cela permet d’avoir une vision transverse et d’identifier les tendances », précise Léna Basile.
- Séminaires et rencontres managériales : AVEM organise un séminaire annuel réunissant tous les managers. L’occasion de créer une communauté managériale soudée, d’instaurer une culture d’échange et de feedback et de travailler ensemble sur des sujets transverses.
- Espaces d’écoute dédiés : à la Caisse d’Épargne Bourgogne Franche-Comté, Morgan Maillier a instauré des permanences d’écoute ouvertes à tous les collaborateurs. Une démarche qui alimente ensuite les communicants internes pour relayer les préoccupations, identifier des sujets sensibles ou inspirants, et ajuster les supports de communication. « Je m’installe avec un café dans une salle commune. Chacun peut venir me parler en toute simplicité. Cela crée un climat de confiance, et permet à des collaborateurs qui n’auraient jamais osé s’exprimer de le faire. Certains profitent également de ce créneau pour me parler en distanciel », explique-t-il.
Transformer les retours en actions concrètes
Recueillir les informations, c’est bien. Savoir quoi en faire, c’est mieux. Chez AVEM, chaque retour terrain peut être examiné à plusieurs niveaux : « Nous co construisons un plan d’actions opérationnel entre le/la RRH et le manager sur des problématiques ciblées (ex. médiation, ateliers collectifs « écoute et libération de parole », « définition de charte de fonctionnement en équipe »..). En cas de remontées d’informations redondantes, nous pouvons construire un plan d’actions plus transverse. Dans ces cas-là nous travaillons avec des contributeurs métiers/ support pour identifier des solutions. Par exemple, il peut s’agir du déploiement d’une charte de mobilité interne visant à structurer/ accompagner les mobilités internes permettant à chaque collaborateur d’être davantage acteur de son parcours professionnel, mais également de veiller à ce que ces mobilités soient encadrées pour ne pas déstabiliser la gestion des activités.”
Certaines informations peuvent donner lieu à des actions collectives. « Une fois par an, nous déployons notre baromètre social. Les résultats servent de base à des plans d’action construits à 2 niveaux : au global et en local avec des équipes opérationnelles. Ce sont les managers qui s’en saisissent pour améliorer le climat ou adapter les pratiques locales. »
Même approche chez Morgan Maillier : « Les retours de terrain sont essentiels pour ajuster notre communication interne, mais aussi notre stratégie RH. Nous avons besoin de cette visibilité pour fidéliser nos collaborateurs, en particulier dans les territoires ».
Communiquer au bon niveau
L’une des difficultés réside ensuite dans la diffusion de l’information. Faut-il tout remonter ? Faut-il tout redescendre ? Chez AVEM, la communication est adaptée à chaque cas. « Certaines informations restent à l’échelle du service RH. D’autres, comme un changement d’organisation ou une demande récurrente, peuvent faire l’objet d’une communication plus large via l’intranet ou des mails ciblés. »
Morgan Maillier abonde : « Le défi, c’est de donner du sens à l’information. On ne peut pas se contenter de transmettre des consignes descendantes. Il faut engager les équipes, leur expliquer les enjeux, et surtout valoriser ce qui fonctionne. Cela fait également partie de notre stratégie marque employeur. »
Digitaliser la relation collaborateurs : une piste prometteuse
Dans ces contextes d’équipes éclatées, les outils digitaux peuvent jouer un rôle de catalyseur. Un intranet bien structuré, pensé comme un hub RH et communication, peut permettre :
- de centraliser les informations utiles (droits, procédures, actualités RH), et les rend accessibles à tous, partout,
- de valoriser la transparence en diffusant les résultats d’enquêtes internes et les plans d’action, pour montrer que la parole des collaborateurs est écoutée et suivie d’effets,
- de stimuler l’échange grâce à des espaces interactifs : boîte à idées, sondages express, forums… autant de canaux pour faire remonter le terrain et nourrir la communication,
- de renforcer un lien régulier entre le siège et le terrain, en soutenant le rôle des managers relais et en créant une culture de l’information partagée, même à distance.
Bien utilisé, l’Intranet ne remplace pas les interactions humaines, mais les organise, les trace et les amplifie, au service d’une communication interne plus vivante et connectée à la réalité du terrain.
La voix du terrain comme levier stratégique
Dans un secteur en pleine mutation, où l’attractivité et la fidélisation des talents sont clés, donner la parole aux collaborateurs terrain est bien plus qu’un enjeu de climat social. C’est une condition de la performance collective et de la fierté d’appartenance.
Comme le souligne Morgan Maillier : « Les collaborateurs en agence ne voient parfois que trois personnes au quotidien. Leur rappeler qu’ils font partie d’une entreprise dynamique, structurée, ambitieuse, c’est essentiel. Et pour cela, il faut capter leur voix, et leur donner les moyens d’être entendus. »
Dans ce contexte, les RH et la Communication Interne ne sont plus uniquement garantes des processus. Elles deviennent des animatrices du lien, des facilitatrices de sens, et des actrices du dialogue permanent entre le terrain et les centres de décision.
